La Beauté du geste (version féminine)

Jean-Michel Baudoin
des machines à laver le temps…
par Ophélie Grevet-Soutra

Le Lavomatic, passage quasi obligé pour le citadin d’aujourd’hui, le plus souvent pressé. On y lave son linge à regrets, temps mort assuré... ou l’on passe devant sans s’arrêter, en inhalant de la buée. Un lieu cerné de machines, que l’auteur Jean-Michel Baudoin va magnifier et sortir du vide sémantique de l’anonymat.
Deux fois deux personnages pris dans un ensemble robotisé vont glisser d’un élément à l’autre, et se rencontrer le temps d’une lessive. Ils vont communiquer, retrouver un semblant d’humanité, sous l’œil-hublot des lave-linge. Si les mots lavent plus blanc, l’imaginaire de l’auteur décrypte les dessous d’une politique de la surveillance absolue, tout en ouvrant les vannes de la transmutation génétique. Un exercice de style précis, où la plénitude de la parole apprivoiserait les fêlures de l’ordre établi : par le deux en un de La Beauté du geste, par la répétition de la rencontre, et enfin, par l’indice de figure gémellaire donné par l’auteur sur ses personnages. Lavage, rinçage, essorage, du début à la fin, l’auteur brouille les pistes.
Le pressing sert de toile de fond à un théâtre de la métamorphose et de l’absurde. D’un côté, on découvre les forces du mal et l’Organisation, avec ses territoires contrôlés, ses télés de surveillance et ses agents d’exploitation ; de l’autre, quatre personnages en quête d’identité et d’échappatoires... le vin, la poésie, le parfum, le langage, les allées de l’enfance, le rêve aussi.
À la lecture des deux pièces de Jean-Michel Baudoin, une question revient en leitmotiv : sous l’oeil des caméras de surveillance, sommes-nous encore des êtres humains ?…