Air de la solitude
EAN13
9782889070442
Éditeur
Zoé
Date de publication
Collection
ZOE POCHE
Langue
français
Langue d'origine
français
Fiches UNIMARC
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Air de la solitude

Zoé

Zoe Poche

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Air de la solitude est un recueil majeur de textes publié en 1945 sous
l’impulsion de Mermod, l’éditeur de Roud. 37 textes – tous déjà publiés à
l’exception d’un seul - où proses poétiques (en caractères romains) et brèves
notes lyriques (en italique) s’alternent pour former « une suite véritable »,
comme le note Ramuz : « Vous avez trouvé le moyen (grâce à ces passerelles en
italiques) de donner à votre texte une indiscutable unité. » Cette cohérence,
d’une part, est rythmique. La langue de Roud est au plus proche de la
sensorialité du réel, des expériences concrètes du poète. En découle une
sensation de musique tactile qui parcourt l’entier du recueil. Loin de toute
forme de « poésie pure », qu’il qualifie d’hautaine ou d’intimidante, c’est
dans les choses simples, les corps au travail, les conversations les plus
familières, qu’il puise la substance de ses textes. Les proses et les notes,
organisées en spirale, se font écho et suivent le rythme naturel des saisons.
Ce choix formel annonce le retour du même, un enroulement du temps sur soi. La
solitude dont il est question dans le titre, prend différentes formes, toutes
intimement connues de l’auteur - la différence, l’hiver et la nuit, les
espaces désolés de la haute montagne, la guerre enfin, qui fait du paysage un
« visage fermé ». Les textes, écrits pour la plupart entre 1939 et 1944 sont
marqués du sceau des Première et Seconde Guerres mondiales. Roud, qui a
souffert de ne pouvoir prendre part à la mobilisation générale en 1939,
questionne la poésie en temps de guerre et éprouve les évènements, tels que
vécus depuis la Suisse romande. Sous sa plume, pas de désespérance. Les
solitudes deviennent lieu de rencontre. En s’approchant de la vérité de
l’émotion, le poète accède à l’unité du monde vivant, faite de continuités et
de ressemblances entre la fleur, la bête et l’homme, la sève et le sang, le
cosmos et le cœur humain. Préface de Marie-Hélène Lafon La qualité
exceptionnelle de la production poétique de Gustave Roud (1897-1976), que vous
connaissez via Là-bas, août est un mois d’automne de Bruno Pellegrino, a été
saluée de son vivant par ses pairs et par des artistes suisses et étrangers.
Au-delà, c’est toute l’œuvre roudienne qui est remarquable : la traduction de
poètes allemands (Novalis, Hölderlin, Rilke, Trakl) ; la tenue régulière d’un
journal intime ; la critique littéraire et la critique d’art ; la photographie
; la pratique de l’horticulture ; les activités éditoriales de Roud, notamment
avec C.F. Ramuz. En octobre 2022, Zoé prépare une édition des Œuvres complètes
de Gustave Roud, quatre volumes de 1500 pages en coffret. Après Essai pour un
paradis suivi de Pour un moissonneur (Zoé poche, avril 2021, 1172 ventes), Air
de la solitude est une deuxième mise en bouche de ce grand projet à venir.
Fils de paysan du côté de son père et de sa mère, Roud a passé toute sa vie à
Carrouge, dans le Canton de Vaud. « L’Ancien monde paysan », les paysages de
la région constituent la matière poétique de son œuvre. Ses premiers poèmes
paraissent en 1915 dans un numéro des Cahiers vaudois réservé à de jeunes
poètes. Au sein de la revue Aujourd’hui, de 1929 à 1931, il seconde Ramuz,
puis il se lie d'amitié avec Henry-Louis Mermod, qui devient son éditeur
(depuis toujours l’éditeur de Ramuz). De Maurice Chappaz à Pierre-Alain Tâche,
de Philippe Jaccottet à Jacques Chessex, de Georges Borgeaud à Yves Velan, ce
sont trois générations d'écrivains dont il a été en quelque sorte le parrain.
Il consacre des articles sur les peintres de son temps (René Auberjonois et
Steven-Paul Robert en tête). Quant à la photographie, c'est un art qu'il a
pratiqué tout au long de sa vie, elle sert tantôt d'accompagnement, de
contrepoint ou de prolongement à son approche poétique du monde, tantôt de
témoignage sur la transformation progressive de l'univers rural dont il a été
en tant qu'enfant de paysans un spectateur hors pair : d'où une dimension à
certains égards ethnographique de sa production, côté texte comme côté image.
Pour Roud comme chez Claudel, Bonnefoy ou Jaccottet, la poésie est un moyen
privilégié d'accéder à la perception d'un ailleurs, qui ouvre sur une
révélation d'une autre envergure, plus vaste et importante, mais secrète ou
cachée. Les proses de Roud sont des méditations lentes, patientes, soutenues
par le rythme de la marche. Elles définissent aussi les états de disponibilité
qui permettent la perception de cette dimension invisible, illimitée et tenue
pour plus vraie ou plus essentielle que la réalité visible. Il y a pour Roud
une condition première qui détermine son regard. C'est une rupture entre lui
et les figures profondément aimées des paysans, une rupture qu'il va nommer sa
« différence ». « Je veux soigner ma différence, au fond c'est ma seule raison
d'être ». Sa « différence » est la mère de sa poésie. Roud se sent inutile,
vagabond, colporteur, rôdeur. Poète contemplatif, il regarde le monde et les
choses en les dépouillant de leur fin et en les assignant à un autre ordre.
Très présente dans les premiers recueils, une obsédante demande de pardon
s'atténue par la suite : le souvenir de la faute première liée à cette «
différence » : son attirance homosexuelle, autant qu’au choix de l'écriture
s'estompe. D’une grande douceur, harmonieuse, la prose poétique de Roud ne
tente pas de traduire les intermittences ou les retraits de l'être par des
ruptures syntaxiques, des chocs verbaux, des fragmentations du texte poétique
: la continuité de l'écriture de Roud est l'un des signes les plus frappants
de son respect des exigences classiques de la langue. La quête jamais comblée,
Roud l'a dite dans une prose sûre. Il se reconnaît dans les romantiques
allemands mais il ne reprend pas leur mode d’écriture qui peut être brutale
chez eux. Roud a été enthousiasmé par des textes aux formes brèves et
audacieuses. Mais la prose de ses propres textes est ample, du côté de la
clarté, du sens, de l'équilibre de la phrase, de la lenteur.
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