Histoire d’une montagne. Histoire d’un ruisseau

Des montagnes s’écroulent sous l’action du gel et du dégel, tandis que les
glaciers reculent irrémédiablement. Des rivières s’assèchent et les ruisseaux
souffrent de polluants que rien ne semble pouvoir limiter. Si le monde vivant
s’abime chaque jour un peu plus à cause des activités humaines, ces éléments
que sont cours d’eau et massifs montagneux subissent les changements
environnementaux avec la même violence. Il y a plus de 150 ans, le géographe
libertaire Élisée Reclus écrivait dans Histoire d’un ruisseau : « Faibles
comme nous le sommes, nous tâchons de mesurer la nature à notre taille ;
chacun de ses phénomènes se résume pour nous en un petit nombre d’impressions
que nous avons ressenties. » Les impressions contemporaines, en petit nombre à
l’échelle individuelle, convergent toutes : partout sur la terre, la crise
écologique est perceptible. Reclus, visionnaire, poursuivait une décennie plus
tard dans Histoire d’une montagne (1880) : « Ce monde extérieur que nous avons
déjà si puissamment modifié dans sa forme, nous le transformerons à notre
usage bien plus énergiquement encore. » L’optimisme à l’égard du progrès et le
pessimisme induit par les dégradations se disputaient la pensée du géographe.
Alors que l’habitabilité de la planète est en jeu, il aurait sans nul doute
penché pour la deuxième option, mais ne se serait pas arrêté pour autant.
Entre science et poésie, il s’est, dans ces deux Histoiresque nous rééditons,
attaché à tout décrire d’un ruisseau, à tout expliquer d’une montagne. Son
but, alors : donner à voir des milieux dans leur totalité comme dans chacune
de leurs parties pour se mettre à l’école de la « nature libre », et ainsi en
respecter les habitants. Élisée Reclus (1830-1905) est un très grand géographe
et militant anarchiste français.