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    18 mars 2015

    Oona et Salinger, c’est en fait un roman sur les deux histoires d’amour d’Oona O’Neill, la réelle, celle qu’elle vécut avec Charlie Chaplin, et celle qui existât surtout dans la tête de Jerry Salinger. J’avais peur que ce roman de Beigbeder ne soit pour lui qu’une manière de justifier sa préférence pour les jeunes filles, mais il ne parle de sa jeune femme quand dans la toute fin du roman et il aurait pu tout aussi bien s’en passer mais j’ai tendance à pardonner à l’auteur amoureux de n’avoir pu s’empêcher de le faire. J’ai beaucoup aimé le prologue dans lequel Beigbeder fait preuve d’autodérision en expliquant pourquoi il s’entoure de jeunes. Et je me suis dit que s’il parvenait à conserver ce ton drôle et ironique, j’allais aimer et c’est ce qui s’est passé. Il m’a fait rire d’emblée avec ses allusions aux expressions qu’il ne peut pas utiliser avec les jeunes, comme ramer comme Gérard D’Haboville et comme on le sait, quand on fait rire une femme…

    Bien sûr, j’ai parfois été agacée par des phrases comme « Une fille, c’est comme une coffre fort, ça s’ouvre et ça se referme. Il suffit de trouver le bon mot de passe. » ou « Je te prie d’excuser cet excès de correspondance. Depuis que je te connais, je suis envahissant, je suis ton Hitler et tu es ma France ». Mais même ça, j’ai décidé de le prendre au deuxième degré et je pense que c’était le but. J’ai moins aimé les parties sur les camps que la peinture des années 40 mais j’ai été touchée par le portrait de Salinger que brosse Beigbeder parce que jusqu’ici, je l’avais surtout vu à travers les yeux de Joyce Maynard et le résultat est très différent. Même si Beigbeder ne le ménage pas vraiment, on découvre un homme qui n’a jamais oublié son premier grand amour et cet amoureux qui a besoin de croire en quelque chose alors qu’il est à la guerre et qui apprend que celle qu’il aime se marie à un vieux, même si ce vieux s’appelle Chaplin, m’a émue.
    Ne nous mentons pas, je ne suis pas sûre que la rencontre entre ce livre et moi se serait faite sans le lecteur. J’ai aimé son ton narquois, sa manière atroce de prononcer les mots anglais (Edouard, dites-moi que vous avez un peu forcé le trait), particulièrement le mot « casualties ». Bref, je crois que je pardonne tout à Beigbeder quand il est servi par Edouard Baer. D’autant que pour moi, l’oral convient bien mieux à ce texte que l’écrit. C’est un livre que je vous conseille d’écouter plutôt que de lire. En aimant ce roman, je sais que je déçois mes amies lectrices qui ont bon goût, et sans doute que je me déçois un peu moi-même.