Un CDI pour tous les salariés, c'est possible

On dénonce depuis longtemps une prétendue « préférence française pour le
chômage ». Une formule choc – et choquante – laissant entendre que notre pays
aurait depuis plusieurs décennies fait le choix – inassumé – d’un marché du
travail d’autant plus protecteur que son accès est difficile pour nombre
d’actifs condamnés à pointer à Pôle emploi. La réalité est malheureusement
encore moins souriante : à ce chômage élevé, nous avons ajouté une précarité
réelle pour ceux qui ont la chance d’avoir un travail. A travers une multitude
de contrats, notre système génère en effet une exclusion massive, qu’un
chiffre suffit à résumer : 5 millions de travailleurs sont aujourd’hui privés
en France d’un CDI, devenu un graal inaccessible. Leur statut, entre CDD,
intérim et autres contrats précaires, les place dans une situation de
vulnérabilité économique et sociale indigne de la 5ème puissance économique
mondiale et du pays de Droits de l’homme, en ce début du 21ème siècle. C’est
en prenant la mesure de cette aberration et de cette injustice que Philippe et
Valérie Bazin se sont lancés dans cette bataille pour l’égalité des chances et
des droits avec une idée fixe : remplacer ces emplois précaires subis par des
CDI choisis. Utopique ? Sûrement pas. Simplissime. Comment ? Par la
mutualisation de ces emplois au sein d’une même entreprise, sur le modèle déjà
ancien des groupements d’employeurs. Ce système existe en réalité depuis
longtemps mais en étant resté limité aux fonctions d’ingénieurs et de certains
cadres recrutés dans de grands cabinets de placement. Une niche confortable
pour cols blancs en somme. Alors pourquoi ne pas en étendre le principe à ceux
qui en ont en réalité le plus besoin, à savoir les travailleurs les moins
qualifiés ? C’est ce que Philippe et Valérie Bazin se sont employés à faire en
créant leur entreprise et leur plateforme de placement « MonCDI ». Et,
incroyable mais vrai, ça marche. Ce système met en mouvement un cercle
vertueux où tout le monde est gagnant. Le salarié d’abord, bien sûr,
bénéficiaire d’une situation enfin stable, de protections collectives
associées à son statut et d’un droit à la formation renforcé. L’entreprise
cliente ensuite, qui conserve une réelle flexibilité, sans s’exposer au
moindre risque juridique, et qui dispose ainsi d’une main d’œuvre fixe,
compétente, formée, déprécarisée et, ce faisant, plus performante. Qui ignore
encore, en effet, qu’un salarié plus heureux est moins absent, plus productif
et beaucoup plus créatif ? Enfin, ce sont les comptes sociaux de l’Etat qui
s’en trouvent avantageusement améliorés car cette précarité représente un coût
considérable pour ceux qu’elle frappe mais aussi pour la collectivité. Ils
sont déjà plusieurs milliers à en avoir bénéficié, à être même devenus les
ambassadeurs de leur propre CDI auprès des entreprises qui les font
travailler. Mais il ne tient qu’à nous qu’ils soient demain plusieurs
millions. C’est résolument possible – la plateforme « MonCDI » le prouve – et
c’est résolument souhaitable alors que le marché du travail compte 2,5
millions d’intérimaires et 2 millions de salariés en CDD. Alors qu’attendons-
nous ? Il suffit de peu de choses pour que la France affirme demain sa
préférence pour un marché du travail enfin déprécarisé. Un avant-goût de monde
d’après.